port du voile,Islam et contraintes, consentement de la femme musulmane, la contrainte du port du voile,porter le voile n'est pas une règle de l'Islam
port du voile,Islam et contraintes, consentement de la femme musulmane, la contrainte du port du voile,porter le voile n'est pas une règle de l'Islam

Le Dr Elham Manea est une journaliste yéménite dont les articles paraissent régulièrement sur le site réformateur : Moyen Orient Transparent.
Elle milite pour l'amélioration du statut de la femme musulmane, la liberté de pensée, une approche rationnelle des sources religieuses et le droit de chacun(e) à décider de son avenir.
Dans cet article, neutre et bien documenté, la journaliste encourage les musulmanes à réfléchir par elles-mêmes avant de décider ou non – mais en toute liberté – de porter le voile : en effet, tout comme pour l'excision, on ne trouve dans le Coran, aucune sourate concernant ce point.

« Retire ton voile, ma sœur »

« Je t'invite, ma sœur musulmane, à retirer le voile. Ceci est un appel honnête, sans aucune intention de te déshonorer ou d'augmenter ta lassitude. Je t'invite seulement à réfléchir par toi-même, en te servant de ta propre intelligence. Toi et ton intelligence suffisent. Il n'est pas nécessaire d'aller fouiller dans les livres d'Histoire, ni de consulter les opinions des "commentateurs". Je te demande d'écouter mes paroles et de les juger, sans préjuger de mes intentions. Après cela, tu seras libre. Libre de choisir, de façonner ton destin et d'agir comme tu le souhaites. Tu es ton propre maître. Toi seule. Nul autre que toi n'est responsable de ta personne. Après avoir lu mes paroles, porte le voile ou retire-le ; je respecterai ta décision. Mais en définitive, est-ce bien toi, qui décide ?

Les femmes ont porté le voile dans le monde musulman, surtout depuis la révolution islamique d'Iran. Celle-ci en a fait une obligation, après que les dignitaires religieux aient pris le dessus sur les classes moyennes et les groupes de gauche, – lesquels avaient payé de leur sang la fin du règne du Shah.
Puisque cette révolution fut le premier véritable éveil [islamique] dans la région, elle a été considérée par beaucoup comme un exemple – aussi bien la révolution que les contraintes vestimentaires, imposées depuis lors aux femmes.
Un autre facteur est l'augmentation des ventes de pétrole, qui a permis à l'Arabie Saoudite de soutenir financièrement la propagande wahhabite et de mettre en place un vaste réseau médiatique chargé de rappeler chaque jour « l'obligation » du port du voile.
Cette propagande islamiste s'est fondue dans la ligne de pensée des Frères Musulmans et des partis arabes et islamiques qui en dérivent. Ainsi, une nouvelle et étrange façon de penser s'est répandue dans la société musulmane, modifiant de nombreux comportements et perceptions.

Le voile est avant tout un outil politique
Le port du voile relève donc d'un objectif politique. Dans deux pays, l'Iran et l'Arabie Saoudite, la hiérarchie religieuse gouverne au nom de la religion, s'efforçant de diffuser son propre modèle islamique, tout en se servant de la religion pour garantir [artificiellement] sa légitimité.
Ces deux pays ont contraint les femmes au port du voile, le présentant comme un signe de piété, qu'elles aient ou non, envie de le revêtir. Le seul objectif des Frères Musulmans est de s'emparer du pouvoir politique. Toutefois, comme ce mouvement utilise la religion pour se légitimer, il doit donc aussi fournir un exemple de véritable "comportement islamique". L'habit islamique en est l'une des principales composantes.
Le port du voile a un important aspect politique, pourtant les arguments et les méthodes employés pour y contraindre les femmes sont de trois ordres :
• Le premier argument est que le port du hijâb permet à la femme de cacher ses formes féminines et ainsi "protège les hommes de la licence" !?
• Le 2e argument prétend qu'en portant le voile, elle contribue à l'établissement d'une "bonne société".
• Le troisième argument est qu'il s'agirait, par essence, d'un "devoir religieux".

"L'homme ne peut contrôler ses instincts" (?)
Le premier argument se base sur l'idée que l'Arabe est un... animal libidineux, incapable de contrôler ses instincts, qu'il faut donc se méfier de lui. Ses pensées seraient contrôlées par le sexe et on ne pourrait donc pas lui faire confiance. C'est pourquoi les parties attirantes de la femme doivent être recouvertes afin de le protéger du diable qui se trouve en lui... Ce principe est injuste pour l'homme arabe que nous connaissons en tant que frère, père et être humain : il est capable de traiter une femme comme un être humain et non comme un simple objet de plaisir.
Il est capable de contrôler ses instincts, bien qu'il soit conscient de leur existence, – exactement comme les femmes. Une femme suscite le respect par son comportement, non en se voilant.
Ce premier argument se fonde sur une vision vraiment humiliante de la femme, celle-ci étant perçue comme non comme un être humain mais comme un ensemble de parties sexuelles. Elle n'est pas considérée comme un être noble doué de raison mais comme un être dont toutes les parties suscitent le désir charnel – la voix, les cheveux, les yeux, le buste, le corps… Cet argument néglige le fait qu'une femme peut pousser quiconque à la respecter par son comportement et son attitude à l'égard des autres, non en se couvrant la tête et le corps.

Une "bonne société" (?)
Le deuxième argument se base sur l'idée qu'il existe un lien entre le port du voile et l'établissement d'une "bonne société", c'est à dire une société qui ne connaîtrait pas de rapports intimes hors mariage. Cette vision est au mieux erronée : les sociétés qui ordonnent le port du voile et insistent sur la séparation des sexes ne sont pas celles où le sexe hors mariage est le plus rare !
La ségrégation forcée entre les sexes a même encouragé les relations homosexuelles, comme l'indiquent des études, qui montrent en outre que le port du voile dans les sociétés islamiques n'empêche pas certaines jeunes filles d'avoir des rapports sexuels avant le mariage.
(Après cela, elles font souvent appel à la chirurgie pour refermer l'hymen).

L'argument religieux ? Le plus bancal de tous
Le troisième argument repose sur l'idée que l'Islam est strict sur la question du voile et qu'il existe divers textes religieux sur le sujet. Cette abondance de textes religieux ne date pas d'hier. Toi, Femme Musulmane, tu peux les lire seule, sans intermédiaire. Tu le constateras, ces nombreux textes sont sujets à des interprétations fort différentes.
En fait, ce troisième argument, selon lequel c'est la religion qui ordonne le port du voile aux femmes, est le plus bancal de tous ; il n'aurait été proposé qu'à la fin des années '70 : le port du voile ne s'est pas généralisé avant que l'Islam "orthodoxe" fut dominant dans le monde musulman.

Tel est le raisonnement sur lequel je base l'appel que je te lance. Je t'implore de prendre en considération mes paroles et ma demande. Je ne te demande pas de cesser de prier, de jeûner ou de croire en Allah ! Je te suggère de renoncer au voile mais je respecterai ta décision, quelle qu'elle soit. Toutefois, en définitive, sois ce que tu es, une femme, – non un ensemble de parties intimes ! »
© 2009 Dr Elham Manea


Le terme « voile » en français, celui que l’on porte sur la tête, est abordé (indirectement) une seule fois dans le Coran, dans la sourate XXXIII, verset 59 :
« Ô Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants, de resserrer sur elles leur mante : c'est pour elles le meilleur moyen de se faire connaître et de ne pas être offensées. - Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux. »
Le mot traduit par mante ou « voile » est le mot arabe jilbab/jalâbib. Ce verset coranique constituerait donc davantage un appel à la bienséance et à la préservation sociale, qu'une injonction vestimentaire spécifique. Il ne fait aucun lien explicite avec la chevelure.
Le mot jilbab signifirait ici plutot un drap qu'un quelconque habit et permettrait de cacher l'identité, donc couvrir ou découvrir le visage. Cacher l'identité des réfugiées de la Médine au début de leur refuge diminuerait les offenses des habitants de la cité. Plus tard, quand grandissait la force et le pouvoir des Musulmans à Médine, il s'agirait plutôt de découvrir le visage, voire l'identité pour diminuer les offenses. ( Charfi Zouheir)
Quant à la sourate XXIV, versets 30, 31, le mot "voile" n'y apparait pas : « Dis aux croyantes de baisser les yeux et de contenir leur sexe; de ne pas faire montre de leurs agréments, sauf ce qui en émerge, de rabattre leur fichu sur les échancrures de leur vêtement... » (verset 31)

Un autre point de vue intéressant est celui de Lubna Ahmad al-Hussein :
Elle porte une veste sombre sur un pantalon noir. Cela n'a rien d'anodin, pour Lubna Ahmad al-Hussein, le pantalon est devenu une carte de visite. Arrêtée à Khartoum en juillet 2009, cette journaliste soudanaise a été condamnée à 40 coups de fouet pour "atteinte à l'ordre public et à la moralité"... parce qu'elle portait un pantalon. Devant le tollé suscité par l'affaire, la peine s'est finalement muée en amende dont elle s'est acquittée. Avant de quitter son pays. Depuis, elle s'est installée en France et poursuit son combat pour les femmes et contre l'extrémisme. C'est ainsi qu'elle a été choisie comme "ambassadrice de la laïcité" par l'association Ni putes ni soumises, dans le cadre du plan d'information et d'accompagnement à la loi interdisant le port du voile intégral dans l'espace public. Initié par le ministère de l'Immigration, il prévoit que quinze femmes sillonnent la France pendant six mois pour expliquer le principe de la laïcité.

"Lubna représente la culture islamique. Lorsqu'elle s'adresse, en arabe, à des jeunes femmes, son message est entendu", s'enthousiasme la présidente de Ni putes ni soumises, Sihem Habchi. "C'est un symbole fort", ajoute le ministre de l'Immigration Éric Besson. Il faut avouer que Lubna a un caractère bien trempé, n'a pas peur de monter au front. "Peur de qui ou de quoi ?" nous rétorque-t-elle d'une voix grave. Elle en a vu d'autres.
"Depuis mon arrivée en France, j'ai déjà participé à des débats avec des femmes entièrement voilées. Ça s'est terminé par des insultes", avoue cette intellectuelle née dans une famille de commerçants et d'entrepreneurs. "Mon discours dérange les intégristes ! Cependant, je mets au défi les musulmans de produire un texte religieux imposant le voile !"
Sa religion, Loubna s'en fait une autre idée, plus intime. "C'est une relation personnelle entre l'individu et Dieu, débarrassée de toute contrainte matérielle." Le voile, elle ne l'a jamais porté. Dans son pays natal, elle jetait de temps à autre un foulard sur sa chevelure de jais, "mais cela n'avait rien à voir avec la religion".
Pour elle, le débat passionné qui a agité la France sur cette question était nécessaire. "C'est en cela que l'on voit que la France est une grande démocratie", analyse l'ex-journaliste politique. "Personne ne doit pouvoir cacher son visage en public, ne serait-ce que pour des questions de sécurité. Au Soudan, des hommes qui portaient le niqab se sont introduits dans un campus universitaire pour violer des jeunes femmes. C'est inconcevable !"
Si la France est devenue son point d'ancrage, elle continue à parcourir le monde pour défendre la cause des femmes. En un an, elle a raconté son histoire en Jordanie, en Suède, en Algérie ou encore au Yémen. Elle a décelé, au cours de ses voyages, un début de prise de conscience des femmes sur leur condition et leur émancipation. "Mais il reste beaucoup à faire, notamment contre la prostitution, le viol et l'excision", affirme la jeune femme, victime à l'âge de 7 ans de cette pratique encore courante. "Je ne lâcherai rien", lance celle qui dit ne pas être intéressée par la politique. Surtout ne pas être récupérée : "Je suis une femme libre qui entend le rester."
© Le Point, 28/10/2010

Une anecdote récente et authentique de Me. Piguet, Bâtonnier des Avocats du Barreau de Genève :
Genève. Assise à côté de moi, dans le tram 12, une femme entièrement voilée ; seule une fente horizontale d’un centimètre laissait entrevoir ses yeux. Une femme d’une quarantaine d’années, vêtue à l'européenne est assise en face de nous et s’adresse à elle, poliment :
- "Bonjour Madame. Comme vous, je suis musulmane mais je ne comprends pas pourquoi vous vous... déguisez ainsi. Pourriez-vous m’expliquer ?"
- "Madame, ce n’est pas un déguisement !! C’est le Prophète qui nous demande de nous vêtir comme ça."
- "Le Prophète ? Vous êtes sûre ? Auriez-vous la gentillesse de m’indiquer où trouver ce texte et quel en est le contenu ? Je ne le connais pas..."
- "C’est dans le Coran."
- "Ah ? J’ai étudié le Coran mais n'ai aucun souvenir d’avoir lu le Prophète demander de se déguiser comme les femmes d'une tribu subsaharienne, qui portaient ce type de vêtement bien avant sa naissance. De plus, cette zone est très lointaine des voyages de notre Prophète, il ne devait même pas la connaître. Comment aurait-il dès lors pu enjoindre aux femmes musulmanes de s’habiller dans un accoutrement qu’il ne connaissait pas ?"
- "Madame, le Prophète l’a écrit, je l’ai lu."
- "Vous avez lu le Prophète ? Dans quelle traduction ?"
- "Je l'ai lu en arabe."
- "Vous parlez l’arabe couramment, donc ?"
- "Oui, absolument." Là, la dame vêtue à l’occidentale se met à lui parler en arabe. Sa voisine bredouille des réponses hésitantes. La dame reprend en français :
- "Madame, je suis professeur d’arabe et de civilisation musulmane à l’Université ; je peux affirmer que vous ne comprenez pas l’arabe : mes questions, dans un arabe pur, avaient un double sens ; vous ne les avez pas comprises, vous avez répondu complètement à côté. Où êtes-vous née, Madame ?"
- "Ici."
- "Donc, je récapitule : vous portez un vêtement adopté par les femmes d'une petite tribu subsaharienne (dont le Prophète n’a jamais entendu parler), pour lutter contre les tempêtes de sable ; vous avez lu le Coran sans comprendre les finesses de la langue arabe ; vous y avez trouvé des instructions vestimentaires, mais sans pouvoir m'indiquer ce texte..."
- "Ça suffit, vous m’agressez !"
- "Non, Madame, vous agressez et injuriez ma religion, par votre déguisement et votre inculture. Vous nous faites passer, nous, les musulmans, pour des imbéciles fanatiques..."

Note personnelle: mentionnons également que de nombreuses musulmanes considèrent, parfois inconsciemment, le port du voile comme une marque de rejet des valeurs occidentales – ce qui est leur droit.
Le point de vue nuancé sur la burqa, d'Elisabeth Badinter, la philosophe féministe française bien connue, vous intéressera certainement. Enfin, les déclarations, notamment sur la chaîne de TV Al Jazeera, de la célèbre psychiatre syro-américaine le Dr. Wafa Sultan à propos de l'Islam, ne manqueront pas de vous interpeller (Wafa Sultan) : la liberté d'expression est en effet, une des plus belles qualités d'une civilisation moderne.

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